Depuis le décès tragique de Nahel, l’adolescent tué par un policier à Nanterre mardi 27 juin, la France s’enflamme. Les émeutes, pillages de magasins et affrontements avec les forces de l’ordre se poursuivent dans tout le pays et alimentent les débats médiatiques. Sur les réseaux sociaux, des dizaines de milliers de Français s’expriment. A ce stade, on compte déjà trois fois plus de tweets sur les émeutes que sur les Gilets jaunes.
Au cœur de ces débats, un sujet cristallise l’opinion. En effet, deux cagnottes ont été ouvertes suite à la mort de Nahel : une première en soutien à la famille de Nahel, sur la plateforme française Leetchi, ainsi qu’une deuxième dédiée à la famille du policier, sur le site américain GoFundMe.
Le weekend dernier, la cagnotte en faveur de la famille du policier a dépassé celle en soutien à la famille de la victime. En début de semaine, elle a même atteint le million d’euros, avant de se clôturer à 1,6 M€ hier soir, soit près de quatre fois plus que la cagnotte pour la famille de Nahel, également clôturée.
Dans le cadre de cette affaire, la plateforme de levée de fonds GoFundMe a rapidement été montrée du doigt comme “complice”. Au cours des derniers jours, de nombreux citoyens et élus ont appelé, en vain, au retrait de la cagnotte du site. Alors que GoFundMe s’apprête à verser la cagnotte à la famille du policier. Sans apporter aucun jugement sur le fond de l’affaire, l’objectif de cet article est de présenter et décrypter les réactions sur la toile.
Évolution de la conversation
Le sujet apparaît dans les conversations social media à partir de l’ouverture de la première cagnotte pour la famille de Nahel, le 28 juin. Deux jours plus tard, Jean Messiha, ancien cadre du Rassemblement national, lance la cagnotte en soutien à la famille du policier. Le sujet fait un bond, de nombreux médias et internautes relayant l’information.
Dans les jours suivants, les débats s’enflamment. Le 1er juillet, la cagnotte pour la famille du policier dépasse celle pour la famille de Nahel. On observe un deuxième bond de mentions.
Enfin, la conversation atteint son pic le 3 juillet, au moment où le montant de la cagnotte GoFundMe dépasse 1 million d’euros. Cette annonce seule a généré 193 000 mentions sur le web, dont le premier résultat en matière d’engagement est détenu par un tweet de Mediavenir.
💰🇫🇷 FLASH – La cagnotte vient de dépasser le million d’euros. (GoFundMe) #Nanterre https://t.co/rsqA9xr6Pn pic.twitter.com/UTlrrSOHrc
— Mediavenir (@Mediavenir) July 3, 2023
Globalement, le volume de mentions sur les 7 derniers jours s’élève à plus de 600 000 posts pour plus de 3 millions d’interactions. Des chiffres qui prouvent que le sujet donne à débattre puisque l’engagement est bien supérieur aux nombre de résultats. Les Français interagissent, débattent dans les commentaires, s’indignent ou jubilent, partagent l’actu… Les post les plus engageants ont accentué le phénomène en comparant les 2 cagnottes entre elles.
🚨🇫🇷 FLASH | La cagnotte en soutien à la famille du policier de #Nanterre a dépassé les 365.000€.
— Cerfia (@CerfiaFR) July 1, 2023
Celle en soutien à la famille de #Nahel a dépassé les 66.000€. pic.twitter.com/KUx5ZcpE4D
Mots clés et emojis
En observant les champs lexicaux employés, et au-delà des termes purement descriptifs dont “cagnotte”, “famille”, “policier” ou encore “Nahel”, on constate que la marque GoFundMe et son compte Twitter @gofundme occupent une place centrale dans les débats. On retrouve aussi des accusations comme “meurtrier” ou “assassin”. Lors d’une précédente analyse en début de semaine, on pouvait également lire “homicide”,“tueur” et “racisme” parmi les mots clés les plus fréquents.
En ce qui concerne les emojis, les symboles les plus utilisés sont ceux du gyrophare avec près de 43 000 de résultats en une semaine, ainsi que le drapeau français que l’on retrouve dans environ 125 000 résultats sur la même période. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, le drapeau tricolore n’est pas lié aux milieux d’extrême droite mais surtout utilisé par les pages d’actualités en continu – en combinaison avec le gyrophare – pour attirer l’attention des lecteurs sur le dernier “flash info”.
Par ailleurs, on retrouve toute une série d’emojis qui sont utilisés pour exprimer le dégoût de certains face à la montée de la cagnotte dédiée à la famille du policier. On peut citer l’emoji “vomir” mais aussi les symboles “clown”, “pleurs”, “hurlement”, “colère” ou “tête de mort”. On aperçoit également quelques émojis positifs comme le cœur, le rire ou le pouce en l’air mais souvent de manière cynique.
Analyse de sentiment
Sans surprise, le sentiment est majoritairement négatif (57 % des résultats, contre 10,5 % de mentions positives et environ 30 % de mentions neutres). En effet, les internautes critiquent le lancement d’une cagnotte en faveur (de la famille) d’un policier mis en cause pour homicide volontaire. En outre, la plupart des internautes s’indignent du fait que cette cagnotte ait atteint un montant supérieur à celle en faveur de la mère de la victime. Le sujet bascule d’ailleurs complètement “dans le rouge” dans la foulée de cette nouvelle. C’est aussi le moment où la responsabilité de la plateforme commence à être mise en exergue.
Quels risques pour GoFundMe ?
En moins d’une semaine, l’exposition médiatique de GoFundMe a explosé. La marque a vu son nombre de mentions augmenter de façon considérable (230 000 mentions en 7 jours vs environ 300 000 au cours du mois précédent), et les critiques ne cessent de s’abattre sur elle.
La plupart des posts mentionnant GoFundMe sur les réseaux sociaux s’indignent de son comportement et demandent la suspension de la cagnotte. Rares sont ceux qui soutiennent la plateforme.
Concrètement, les hashtags #GoFundMeComplice et #CagnotteDeLaHonte cumulent déjà plus de 40 000 mentions, alors que les hashtags #SoutienAuxFDO et #SoutienAuPolicierFlorianM n’ont été partagés qu’un peu plus de 14 000 fois.
A noter que ce n’est pas la première fois que GoFundMe est montrée du doigt.
Pour conclure, il s’agit malgré tout d’un énorme coup de projecteur pour GoFundMe, sur un marché hautement concurrentiel où de nombreuses plateformes avec des modèles similaires se battent pour grappiller des parts. Accusée, a minima, d’inaction, au pire, de complicité, la plateforme de crowdfunding américaine devrait ressortir de l’affaire Nahel avec une réputation entachée mais une marque ancrée dans la tête de tous les Français. There is no bad publicity?